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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 17:12

VIGAN.gifNous sommes le 20 mai. Ce matin, Mathilde sait que quelque chose va changer. Cela est palpable et inévitable. La voyante lui avait dit. Un homme va changer sa vie. Elle se raccroche à cette idée, comme à une idée magique qui conjure le mauvais sort. Veuve et maman solo, elle a su faire face

Mathilde, cadre marketing, prend chaque jour le métro en direction de son travail. Chaque jour, le même trajet, les mêmes gestes, les mêmes stations avant le non-évènement de son arrivée. Car si elle se présente à son travail quotidiennement et fidèlement, nulle mission l'attend malgré son statut et son salaire. Mathilde sombre depuis quelques temps et commence à perdre pied face à ce vide émotionnel, intellectuel et physique de ce harcèlement  qui l'engloutit. Brillante adjointe, subitement placardisée, elle ne connaît qu'une humiliation permanente et croissante, jusqu'à ce 20 mai, où on lui annonce que son bureau a été vidé et est délocalisé près des toilettes, sans même un poste de travail.

Pour Thibault lui, médecin aux Urgences médicales de Paris, les journées se suivent et ne se ressemblent pas. Il croise des personnes brisées, abîmées par la maladie ou par la vie, des situations de détresse. Il ne voit sans cesse que le rude et le laid de la vie. Pour lui, Lila est son ilôt, une respiration dans ce monde sombre. Subjugué par elle et sous son emprise, il ne connaît cependant pas un amour réciproque. Mais aujourd'hui, c'est décidé, il sera plus fort, il arrivera à se séparer de Lila ...

Loin d'être un conte de fées moderne, Les Heureuse souterraines sont un véritable pamphlet social nous plonge dans ces tunnels noirs et crasseux des sous-terrains de Paris, ceux de la métropole anonyme, qui charrie chaque jour un flot impétueux de voyageurs-travailleurs, dans un ballet permanent. Parmi eux, ces deux êtres au bout de leur solitude. Mathilde est certainement le personnage qui émeut le plus, tant son combat est sans commune mesure avec le chagrin de Thibault.  Comme eux, nous aimerions croire en des jours meilleurs, mais l'on sent au fil des pages, et des échappatoires possibles, le caractère définitif de certaines blessures,  qui même si elles cicatrisent, laissent des traces irrémédiables et définitives. Son écriture fluide et précise dresse un portrait sans concession, quasi clinique du harcèlement : l'humiliation, les remontrances injustifiées, l'isolement progressif, les accès bloqués ... Son ton demeure juste de bout en bout, ne tombe jamais dans le pathos, tout en dénonçant sans excès une société qui marche sur la tête, broyant l'humain dès le moindre faux pas et exerçant une violence pernicieuse.  Un roman qui coupe le souffle. Prix du roman de l'entreprise 2009.

Les heures souterraines.
Delphine de Vigan.
Editions JC Lattès.
299 pages. 17€. ISBN : 978-2-7096-3040-5

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4 décembre 2011 7 04 /12 /décembre /2011 14:43

allumer.jpgQui n'aurait pas envie de liquider un chat pédant et prétentieux qui vous regarde de haut l'oeil torve ? En tout cas, de le remettre à sa place, direction la chasse aux souris en extérieur ... Ce n'est certainement pas Raymond, qui trouerait bien la peau de Bastos - Bastos, un nom prédestiné ! Il ne pait rien pour attendre ce maudit chat, même si en attendant, Mine, la femme de Raymond, arrive encore une fois à amadouer son homme ... Il faut dire que la Mine a d'autres soucis en tête, à commencer par son petit-fils Rémi, dont l'eczéma ne guérit pas et pour qui Raymond, guérisseur appréciant à ses heures les vertus médicales (mais pas que) des plantes, représente un peu la "dernière" chance. C'est qu'ils vont s'amadouer eux aussi, le petit garçon en souffrance et le grand-père philosophe, et qui sait, Raymond reverra sa fille Josette ...  Tout semble trouver un certain équilibre, jusqu'à ce que Martial, le père de Rémi, rencontre un cerf, et c'est tout le village qui pourrait bien prendre un nouveau virage ....

Premier roman de Barbara Constantine, Allumer le chat, vous transporte dans l'univers de personnes quelques peu ordinaires, dotés d'une humanité à géométrie variable, comme vous et moi, plongées dans des aventures surprenantes, un brin rocambolesques. Les destins se croisent, se défont et se refaçonnent au fil des pages. L'ensemble de ces joyeux drilles ont tous leurs petites ou grandes misères,  et chacun a voix au chapître tour à tour ce qui rend ce roman polyphonique vivant et authentique, portraiturant ainsi de véritables tranches de vie et de "véritables" personnalités, attachantes, déjantées, taillées dans le roc, douces ou encore rudes et peu commodes.

La gouaille franche et joyeuse de Barbara Constantine apporte un grand vent frais et  plaisant dans la littérature. Une belle entrée joliment saluée par Daniel Picouly, qui résume à merveille ce premier opus : " "Bonne nouvelle ! Les Deschiens ont fait un enfant à Queneau et le chat se porte bien. Allumer le chat, c’est un feu d’artifices."

Allumer le chat
Barbara Constantine.
Editions Calmann-Lévy.
261 pages. 14,50€. ISBN : 978-2-7021-3756-7

A voir !

Le blog de Barbara Constantine

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20 septembre 2011 2 20 /09 /septembre /2011 21:22

bernard.jpgDeux petits livres qui se dévorent en un temps record !

Sous son drôle de petit format, Bernard cache une histoire à la Tanguy, à la manière de David Foenkinos. Ici l'auteur de La Délicatesse, Le potentiel érotique de ma femme et récemment des Souvenirs, se donne à cœur joie avec ce récit d'un quinqua un peu looser, qui perd sa femme après l'avoir trompé avec une vengeresse dérangée, avant de finalement perdre son emploi ...
Ainsi acculé, Bernard doit retourner vivre chez papa et maman. La dragée est dure à avaler, et fort heureusement pour lui, bientôt il trouve un emploi, mais attention  car cela ne signifie pas pour autant qu'il puisse se reposer sur ses lauriers  : ce retour au bercail est loin d'être un long fleuve tranquille ... Avec une causticité étonnante, Foenkinos dresse un portrait haut en couleurs d'un homme qui se trompe de route pour se retrouver et goûter à nouveau au bonheur. Après abattement, nonchalance et finalement révolte, Bernard évolue sous nos yeux, se transformant d'anti-héros affligeant en un homme attachant, un Tanguy malmené par la vie qui tardivement grandit.

A noter ! Le format inusité de ce livret à l'italienne, qui se feuillete agréablement. Des récits courts d'une cinquantaine de page, qui permettent aux plus grands de retrouver de belles plumes de la littérature contemporaine.


mon-vieux.jpgAutre ambiance avec Mon vieux et moi du canadien Pierre Gagnon. Cette fois-ci, cette courte nouvelle résonne avec Victor de Valérie Fitoussi sur le thème de l'adoption de personnes âgées ...
Léo est un petit vieux de 99 ans. Le narrateur vient visiter sa tante régulièrement, mais bientôt elle décède. Au-delà de ce deuil, il se rend compte que Léo lui manque. A l'occasion de son départ à la retraite, il veut se rendre utile , aussi pour lui, tout devient limpide : il va adopter Léo, lui donner la chance et le bonheur de vieillir en dehors de cette maison de retraite. Le duo entame alors une vie à deux, ronronnante mais pleine de poésie et de belles attentions, jusqu'au jour où Léo chute et change rapidement ...
Sans prétention, cette nouvelle offre un regard tendre et attachant sur ce duo improbable entre un jeune retraité en quête de bonne action, et Léo, ce vieillard bonne pâte et amusé. De beaux moments de complicité sont décrits et émeuvent. Un beau texte à lire au passage, évoquant la vieillesse avec pudeur et sans grossir les traits.

 

 

A voir ! A lire !

Les éditions du Moteur
Les éditions Autrement
Une présentation interactive de Mon Vieux et moi sur  Web TV culture
Victor de Valérie Fitoussi
Les Souvenirs et Qui se souvient de David Foenkinos ? de David Foenkinos.

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4 septembre 2011 7 04 /09 /septembre /2011 21:16

9782246785699.jpg
Tyrone Meehan, 81 ans, retrouve sa maison natale dans un petit port Irlandais, Killybegs. Il y vient pour y vivre ses derniers moments.  Cet ultime voyage est pour lui l'occasion de revenir sur son engagement dans l'IRA, ansi il débute un simili testament :
"Maintenant que tout est découvert, ils vont parler à ma place. L'IRA, les Britanniques, ma famille, mes proches, des journalistes que je n'ai même jamais rencontrés. Certains oseront vous expliquer pourquoi et comment j'en suis venu à trahir."

Aussi nous revenons sur les pas de l'engagement de Tyrone dans l'IRA et découvrons sa jeunesse auprès d'un père, vivant presque uniquement pour "la cause" et désabusé lors de la partition de 1921.  Perdant ainsi toute ambition, il chute dès lors dans l'alcool et la violence, violence qu'il a subi de la part de ces maudits anglais et qu'il fait désormais subir à Tyrone. La vie va ainsi chez les Meehan, entre patrie, misère et  chaleur maternelle.
Un soir, dans un aller sans retour à Killybegs, son père se  laisse mourir, laissant derrière lui une veuve éplorée et isolée, veillant sur sa nombreuse progéniture et tombant dans une misère plus noire avec son veuvage. C'est alors que toute la famille rejoint un oncle à Belfast, et découvre les tensions sanglantes entre catholiques et protestants ...
Tous ces évènements feront naître chez Tyrone la volonté de s'engager pour son pays et finalement de suivre les pas de son père, qui ne cessait de dire "Éirinn go Brách" (L'Irlande pour toujours ... mais dans une Irlande unie). Très vite, engagé dans les Fianna Eireann, dans laquelle s'embrigade la jeunesse irlandaise désireuse de servir la cause, puis accèdant enfin à l'IRA, à 16 ans, Tyrone fait très vite ses preuves comme homme de conviction et de confiance.  Bientôt officier, il multiplie avec sa troupe les actes de bravoure, jusqu'à une ultime embuscade, où la confusion mêlée au brouillard le conduira à tuer accidentellement un des siens, son ami Danny Finley, un officier également ... Ce jour-là marquera pour Tyrone le début d'une descente aux Enfers.

Après "Mon traître", paru en 2008, Sorj Chalandon reprend et clôture cette histoire de trahison, cette fois-ci du point de vue du traître, Tyrone Meehan, et non plus du trahi. Amoureux de l'Irlande et journaliste extrêmement versé sur la question irlandaise, Chalandon nous plonge dans une Irlande au coeur vibrant et battant pour sa liberté, opprimée et exsangue mais toujours digne (les noms des combattants, des grèvistes ou des tués sont véridiques ainsi que la chronologie). La plume de Chalandon pose tout cela avec une délicatesse et un choix des mots d'une précision de métronome. Cette trahison est décortiquée, soupesée, vue à travers différents angles, posant ainsi les faits sans jugement, car en temps de guerre comment réagirions-nous ? Comment situer une telle trahison lorsqu'elle sert également sa cause :  la fin de la guerre et la liberté de sa nation ? Et plus essentiellement, avait-il le choix ? Sa belle écriture rend un hommage  passionant à cette histoire mouvementée et cruelle de l'Irlande.

Retour à Killybegs.
Sorj Chalandon.
Editions Grasset.
333 pages. 20€. ISBN :978-2-246-78569-9

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1 septembre 2011 4 01 /09 /septembre /2011 21:18

9782070134595FS.gifUn grand-père vient de mourir. Son petit-fils se souvient de ses promenades au Jardin du Luxembourg pour aller voir Guignol en sa compagnie. Il se souvient et s'aperçoit qu'il avait encore tant de choses à dire à ce grand-père, à quel point il l'aimait, et qu'insensiblement le temps faisant son ouvrage, il s'était éloigné, bien involontairement, n'avait pu appeler ou le voir aussi souvent qu'il l'aurait voulu. Ce petit-fils, c'est le narrateur, ombre parcellaire de l'auteur. Un jeune homme qui rêve d'écrire son grand roman et qui pour cela s'organise et se met à travailler de nuit dans un hôtel, un revenu et du temps pour écrire ...

Avec ce décès, les enfants s'interrogent et finissent par convaincre l'énergique et très volontaire grand-mère du narrateur de rentrer en maison de retraite. Après tout, on ne sait jamais, si un incident arrivait ? ...  Dès lors, les visites vont se multiplier pour se déculpabiliser de cet arrachement. Les premiers à la tête de cette troupe étant son petit-fils, et son fils. Le premier souhaitant combler de joie cette grand-mère vivante et gaie laissée dans un mouroir, le second pour se déculpabiliser de cet arrachement et de la vente secrète de son appartement ... jusqu'au moment où la vieille dame apprend  cette vente fatidique  : c'en est alors fini des petits objets du quotidien qui rappelaient les petits et grands souvenirs de la vie passée ... Le petit-fils qui s'était promis d'être présent à tout moment auprès de sa grand-mère et de ne pas répéter les mêmes impairs qu'avec son grand-père, assistant à  son désarroi comprend bien vite lorsque l'on annonce sa disparition, qu'elle a fugué.
Et où partir lorsqu'il nous reste plus aucun attachement matériel, ni lieu de résidence, sinon dans ses souvenirs et les meilleurs ... Il part alors à la recherche de sa grand-mère sur les chemins de son passé.

Dans ce nouvel opus, David Foenkinos nous entraîne dans une valse de souvenirs, illustrant  tour à tour de façon méditative et concrète les questionnements liés à la vieillesse, à la vie d'un couple de sa formation à sa séparation, la parentalité,tout cela dominé par la mémoire et les souvenirs. C'est toujours avec une grande délicatesse, une plume légère mais aussi sérieuse qu'il aborde finement ces thèmes universels à travers cette histoire palpitante et réjouissante.

 

 

A voir !

Sur le site de éditions Gallimard
Sur le site de l'émission La Grande Librairie.

 

Les Souvenirs.
David Foenkinos.
Editions Gallimard. Collection Blanche.
272 pages. 18,50. ISBN : 978-2-07-013459-5

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29 août 2011 1 29 /08 /août /2011 21:40

"On dit qu'il était timide. 

Qu'il avait le charme efféminé des timides. 

Leur douceur. 

On dit qu'il approuvait courtoisement les conneries qu'on lui expliquait plutôt que d'en débattre. Qu'il était incapable de dire non. Qu'il était incapable de soutenir un regard hostile. Que lorsqu'il parlait il mettait la main devant sa bouche, comme pour s'excuser de l'ouvrir. 

On dit qu'il l'ouvrait peu. "

et pourtant à 8h00 du matin, le 18 août 1969, Jimi Hendrix va l'ouvrir. Et pas qu'un peu.

Il clôture le festival de Woodstock, quatre journées de musique non-stop, avec l'hymne national américain. Et quel hymne ! The Star-Splangled Banner, réinventé, détourné, dans une interprétation free-jazz qui révolutionne sa musique. Lui, dont le producteur souhaite le cantonner à son image rock, glamour et sexy, tellement vendeuse. Lui, qui depuis le mois de juillet, travail avec des musiciens de son choix, au sein des Gypsy Sun & Rainbows, lui qui souhaite tant s'orienter vers le jazz, et enfin tourner la page de Hey Joe ... Il va se livrer entièrement dans cette interprétation, véritable pamphlet musical, dans lequel l'on peut entendre les bombes qui éclatent au Viet-Nam ...

Il n'est alors pas tendre avec son pays natal, qui lui mena la vie dure dès son plus jeune âge, lui le métis, né d'un père noir et d'une mère d'ascendance Cherokee. Et c'est en Angleterre que son talent éclatera au grand jour, le portant aux nues en moins de deux mois ... Les tournées vont s'enchaîner, pressé de plus en plus par un manager sans vergogne, qui lui filera dope et stimulants pour que son poulain tienne le choc, jusqu'à celui-ci perde l'âme de sa musique et, se lance dans une dernière estocade, un ultime geste de liberté de prise de contrôle de sa vie avec Gypsy Sun & Rainbows ...

Après avoir eu pour objet d'écriture, son compagnon, l'éditeur Bernard Wallet, créateur des éditions Verticales, Lydie Salvayre s'attaque au mythe Jimi Hendrix.

Puissant sujet celui de ce mythe de la musique, et tâche rude s'il en est que d'écrire ce moment furtif, à la charge émotionnelle  intense, ce 18 août 1969 ...  Comment donc effectivement ne l'aborder que sous la forme d'un hymne, d'une louange longue et profonde. Bien sûr, ce roman flirte avec la biographie, un tantinet, juste le sel suffisant pour appréhender le génie, même si elle n'en est pas le but premier ... L'on comprend mieux au travers de ce parcours, que ce moment était ne pouvait être autrement fort, que sur cette scène Jimi Hendrix, mit tout son être, toute son histoire, mais aussi toute l'histoire de ses semblables, de ceux noirs interdits de s'asseoir dans les bus américains, de ce monde qui après la ferveur et l'optimisme des années hippies, continue à déchanter et à voir poindre un monde non pas meilleur, mais un monde toujours en guerre, plaçant le commerce au coeur de tout, y compris de la musique, dont Hendrix, tout comme Elvis, représente une icône du star-system, broyé par la volonté de fer d'un homme de commerce et non d'art.

Avec des intonations justes, Lydie Salvayre développe une longue mélopée, rythmée et musicale, qui nous plonge instantanément à la charnière de ces deux mondes, les années 60 triomphantes et les années 70 désenchantées. Son portrait amoureux et passionné d'Hendrix ne perd pas de son souffle jusqu'à la dernière page. 

 

Hymne
Lydie Salvayre.
Editions Le Seuil.
240 pages. 18€. ISBN : 978-2-02-098555-0
 

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27 août 2011 6 27 /08 /août /2011 21:15

9782846822770FS.gif

« La pierre t'écoute, éponge tous tes mots, tes secrets, jusqu'à ce qu'un beau jour elle éclate. […] Et ce jour-là, tu es délivré de toutes tes souffrances, de toutes tes peines. »

Goncourt 2008, Singué Sabour du poète Afghan Atiq Rahimi, dépasse les frontières, lève sa voix contre les guerres et barbaries en tout genre, qui mettent en deuil et dévastent son pays, et bien d'autres nations.

Dans ce huis-clos, nous sommes dans une chambre bleue, vide de tout meuble, excepté un portrait d'un homme jeune qui orne un des murs. Un matelas est sur le sol, sur lequel gît un homme, cet homme du portrait, plus vieux, ni vraiment vivant, ni tout à fait mort, dans un coma au rictus figé, relié à la vie par une simple perfusion d'eau salée-sucrée. Une femme est à ses côtés, et prie constamment. Elle le soigne, le caresse, prie et cale sa respiration sur celle de son mari. 

En-dehors de la pièce les enfants jouent ou cherchent à rentrer; en dehors, c'est le chaos, la guerre, tantôt latente, tantôt virulente. La femme fait tout ce que le Mollah lui dit, prier les 99 noms d'Allahs pendant 99 jours, un par jour ... Cela a débuté, il y a seize jours. Seize jours de prière intense, et rien ne semble indiqué un mieux dans l'état de ce soldat, au rictus figé, aux yeux ouverts et secs. Rien ne semble changer, sauf dans le coeur et l'esprit de cette femme ... 16 jours et petit à petit, celle-ci se libère et se livre à son mari, dans un flot de paroles de plus en plus dense et de plus en plus grave, le bilan d'un mariage forcé et d'une union sans amour, ni tendresse, des rêves inassouvis, sur fonds de perpétuelles guerres fratricides.

Dans ce conte métaphorique, Rahimi rapporte la douleur universelle de la guerre et des luttes fratricides interminables qui rongent des pays entiers. Il donne surtout voix au chapitre à ses femmes "d'Afghanistan ou ailleurs" si peu libre de leur choix, cohorte dont la révolte est tue par une violence sourde quotidienne. Les phrases courtes, la rythmique des mots, donne une musicalité toute particulière au récit, dont la teneur et la force s'amplifient au fur et à mesure que cette femme ose élever la voix.

Atiq Rahimi, est réalisateur et poète afghan. Syngué Sabour est son premier roman en français.

 

Singué sabour (Pierre de Patience).
Atiq Rahimi.

Editions POL. 

150 pages. 12€. ISBN : 978-2-84682-394-4 

 

 

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23 août 2011 2 23 /08 /août /2011 14:17

La-vie-dune-autre.jpgC'est une belle nuit de mai 1988. Marie, 25 ans, rencontre le séduisant Pablo au cours d'une soirée où l'on arrose son embauche et son premier vrai job, dans une société de production de TV. Ils tombent sous le charme l'un et l'autre et passe le nuit ensemble.
Elle se réveille le lendemain, avec le souvenir très fort de cette nuit ... Pablo n'est plus à ses côtés, mais passe dans la chambre l'embrasser avant de partir travailler et lui presse d'emmener les enfants à l'école. Mais quels enfants ? Sous le choc, Marie commence la première journée de sa nouvelle vie, sa première journée d'amnésique, car elle se réveille en mai 2000, 12 années se sont écoulées depuis la nuit de la rencontre, 12 années dont elle ne souvient pas.
Elle doit alors apprendre rapidement à amadouer son reflet dans le miroir, connaître sa propre vie (tiens paraît-il qu'elle savait danser le tango et parler russe), faire connaissance avec ses enfants (mais pourquoi ne pas se souvenir de ces trois bambins ?), et gérer sa relation avec Pablo, pour elle débutante, encore sous le charme des premiers émois ... et continuer sa vie, mais quelle vie ? Comment cela peut-être possible et quel est l'étrange pacte dont parle Pablo et dont elle n'a aucun souvenir ?

 

Sous couvert d'une amnésie totale, fait extrêmement rare mais tout à fait probable, Frédérique Deghelt passe au scalpel un couple envié de tous.

Là sous le propre regard de Marie, principale protagoniste, qui lit et relie tous les éléments de sa vie actuelle, avec son regard de jeune femme de 25 ans, idéaliste et entière, puisque pour elle ces dernières 12 années n'ont pas existé pour elle ... ce qui provoque un décalage inévitable avec son entourage. Mais Marie apprend vite, si bien, qu'elle pourra cacher son secret, le temps de s'apprivoiser ...

Son enquête la mènera effectivement à redécouvrir ce qu'elle fut avant cette amnésie, une jeune femme en pleine réussite, maman de trois adorables enfants, au couple sur la tangente, qui malgré l'admiration ou l'envie des uns et des autres, ne faisait plus illusion dans l'intimité ...

Le regard acéré de Frédérique Deghelt ne fait aucune concession sur le temps qui passe et les dissensions qui naissent, les compromis qui tournent en compromissions et les cocons qui deviennent des carcans.

 

A voir !
Le site officiel de Frédérique Deghelt

 

 

 

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28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 22:10

teteenfriche.jpgMe voilà à la recherche d'un roman gai et rafraîchissant ... Me remémorant les conseils d'une collègue, je me lance dans la lecture de la quatrième de couverture de la Tête en friche :

Ce qu'ils mettent au dos des romans,
je vais vous dire, c'est à se demander si c'est vraiment
écrit pour vous donner l'envie. En tout cas,
c'est sûr, c'est pas fait pour les gens comme moi.
Que des mots à coucher dehors - inéluctable, quête
fertile, admirable concision, roman polyphonique... -
et pas un seul bouquin où je trouve écrit simplement :
c'est une histoire qui parle d'aventures ou d'amour -
ou d'Indiens. Et point barre, c'est tout."

Cette ironie mordante me donne envie de me laisser tenter ...

Et c'est une belle histoire fraîche et poétique que je découvre. Le style enlevé de Marie-Sabine Roger et ses personnages finement ciselés, en font une lecture que l'on souhaite prolonger, que l'on savoure deçi-delà, précieusement, avec une gourmandise maîtrisée ... Cette rencontre entre Germain, 45 ans, illettré, et Margueritte, grand-mère détonnante est émouvante, elle parle aux coeurs, car l'histoire racontée par Germain n'a aucun artifice, et montre la beauté des gens simples. Celle d'un homme qui découvre les mots, plus tard que d'autres, mais qui n'aura de cesse de les découvrir et de les transmettre à son tour. Un beau moment de lecture, dont il serait dommage de déflorer la découverte en en révèlant plus encore la teneur ... Courrez juste vous le procurez !

 

La tête en friche
Marie-Sabine Roger
Editions du Rouergue. Collection La Brune
217 pages. 16,5€. ISBN :
978-2-84156-947-2

 

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7 novembre 2010 7 07 /11 /novembre /2010 21:53

coeur.gifSi ce recueil de nouvelles  tourne bel et bien autour de l'amour, ne vous attendez pas à y trouver des histoires à l'eau de rose, ou simplement de belles âmes et de belles intentions ... Ici l'Enfer est pavé d'amour. Il domine les coeurs et conduit les esprits dans de lugubres situations, quotidennes ou exceptionnelles. Amour filial, amour conjugual, l'un comme l'autre possède un vernis bien terni. 23 amours, 23 situations que nul n'enviera : adultère, inceste, obsession, névrose sont au convoqué dans ce menu peu apétissant. Ici nulle rédemption,  nul espoir, l'amour y est noir, destructeur, toxique.

A travers ces nouvelles tragiques, nous croisons une kyrielle de personnages monstrueux tantôt décalés, tantôt névrosés, des Monsieur et Madame Toutlemonde, qui cache une violence et une cruauté insoupçonnables. Chaque nouvelle est un travail d'orfèvre, nous plongeant dans cet univers noir et sombre de l'amour-poison ... dont certains savourent la coupe jusqu'à la lie. Ames sensibles, cette lecture vous bousculera certainement. Dérangeante, elle pourra laisser un sentiment de malaise devant cette noirceur profonde voire malsaine. Mais force est de reconnaître,  le talent de Claire Castillon, dont l'écriture concise et intense, s'appuie une observation scrupuleuse de l'âme humaine. Réalisme et cruauté sont au rendez-vous.


On n'empêche pas un petit coeur d'aimer.
Claire Castillon.
Editions Fayard.
156 pages. 14€. ISBN :978-2-213-63059-5

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